Mt 26, 14-27, 66
« Jésus, jetant de nouveau un grand cri, rendit l’esprit. »
O mon Seigneur Jésus, voilà jusqu’où vous avez voulu nous aimer, «jusqu’à la fin», jusqu’aux limites dernières de votre humanité, jusqu’à mourir pour nous, jusqu’à nous donner cette marque suprême d’amour, la plus grande qu’un homme puisse donner : « Il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ce qu’on aime », disiez-vous il y a quelques heures… Oh ! mon Dieu, merci, merci, merci ! Comme je rougis, mon Dieu, de mon pauvre merci ! Qu’est-ce qu’une parole pour remercier d’un tel don, d’un tel amour… Oh! mon Dieu, je me donne à Vous, sans limite et sans réserve, je vous donne mon corps et mon âme, ma vie, tous mes instants, tout mon être, tout ce que j’ai… Je vous donne mon cœur pour que vous y régniez seul… Je vous aimerai seul en vue de Vous et toute autre chose seulement à cause de vous parce que vous le voudrez et autant que vous le voudrez !..
Mais, mon Dieu, je rougis en vous offrant ce pauvre petit néant que je suis. Si complètement que je m’offre à vous, que suis-je et qu’est-ce qu’une telle offrande d’un vermisseau pour remercier du don d’un Dieu ?.. Oh ! mon Dieu, une seule chose peut vous remercier… Il semblerait qu’il est impossible à des créatures de vous remercier de votre sang, de votre mort… Eh bien! Non, c’est possible, tant Vous êtes bon; c’est possible, grâce à Vous, par Vous ; c’est possible par cet autre don de tout Vous-même que Vous nous avez fait hier soir ; par ce don d’hier soir, et Vous Vous êtes donné à nous d’une autre manière tout aussi pleinement, et vous vous êtes offert pour nous tout aussi complètement que Vous faites sur la croix, et Vous Vous êtes mis entre nos mains, pour pouvoir Vous être offert à Vous-même, comme offrande d’un prix infini, comme don de Dieu même, don égal à celui que Vous faites de Vous-même sur la croix… Oh ! Mon Dieu, Vous êtes si bon, si bon, que Vous avez voulu que nous puissions pleinement et parfaitement Vous remercier, nous, si petits, du don de tout Vous-même, du don d’un Dieu mourant pour nous… Et pour cela Vous Vous êtes mis Vous-même tout entier entre Vos mains… Oh ! Mon Dieu, ce n’est pas une parole que nous Vous offrons en actions de grâces, ce n’est pas tout notre être si pauvre, et si nu, c’est Vous-même, tout entier, la Divinité même, dans son infinie perfection et en un même temps votre très Sainte humanité, avec les traces de ses souffrances et de sa passion… Nous Vous rendons en actions de grâces autant que vous nous avez donné ! Oh ! Mon Dieu, que Vous êtes bon! Que Vous êtes infiniment et délicatement bon ! Bon de nous avoir aimés jusqu’à l’excès, nous vers de terre, Vous Dieu, mourir pour nous et mourir sur la Croix ! Et merci de nous avoir aimés jusqu’à cet excès de nous avoir laissé avant de mourir le moyen de vous offrir Vous-même à Vous-même et ainsi d’accomplir ce qui est « impossible aux hommes, mais possible à Dieu », de vous remercier très parfaitement, très complètement de tous vos bienfaits, même de la sainte Eucharistie, même de votre mort sur la croix.
Offrons du plus profond de nos cœurs, avec le plus de zèle possible, le plus souvent possible, le plus parfaitement possible, ce don de Dieu Lui-même à Dieu, en remerciant de ses bienfaits et surtout de ce double don de Lui qu’il nous a fait, au cénacle et sur la croix !.. Offrons-le avec tout le zèle possible, c’est-à-dire avec tout l’amour de notre cœur, avec un amour qu’il faut tâcher, par la prière et par les œuvres, de faire croître sans cesse… Le plus souvent possible, tous les jours, si l’obéissance et la possibilité matérielle nous le permettent (faisons tout notre possible pour que ce soit tout à fait tous les jours ; et quand l’obéissance ou des obstacles matériels, contre lesquels nous ne pouvons rien, tels que la maladie, des voyages nécessaires pour le service de Dieu et sans arrêt possible, [nous en empêchent], alors faisons au moins cette offrande spirituellement) …Le plus parfaitement possible: nous pouvons faire cette offrande surtout de quatre manières : 1) la manière la plus imparfaite c’est de la faire purement spirituellement, ce qui peut se faire en tous temps et en tous lieux et aussi souvent qu’on le veut chaque jour ; 2) dans l’assistance à la Sainte Messe ; 3) dans la réception de la Sainte Communion, manière très parfaite, et bien au-dessus des deux premières, quoique la deuxième ait déjà un grand prix (la première manière elle-même est très agréable à Dieu et a une admirable valeur) ; 4) dans la célébration de la Sainte Messe, manière entièrement parfaite et par laquelle réellement et parfaitement, complètement, revêtu de pouvoirs de Jésus Lui-même, représentant de Jésus, nous offrons Dieu à Dieu, de la part de Dieu, en qualité de représentant de Dieu ; cette quatrième manière est absolument parfaite en elle-même : par elle nous rendons à Dieu une gloire admirable, infinie, la plus grande que puissent Lui rendre les hommes, sans aucune comparaison puisqu’ils Lui offrent par là non des actions humaines divinisées par la grâce, non des actions divines même (on peut en quelque sorte appeler ainsi ces actions si parfaites des Saints, inspirées et accomplies par la grâce de Dieu), mais Dieu même… Si Dieu, par la bouche de ses représentants nous appelle à la grâce du Sacerdoce, gardons-nous de refuser, malgré notre indignité (après l’avoir fait connaître pourtant, afin que les représentants de Dieu qui nous l’offrent agissent en connaissance de cause), acceptons avec empressement, non en vue de nous, mais en vue de Dieu, parce que c’est pour Dieu le moyen de recevoir le plus de gloire sans comparaison qu’il puisse recevoir par nous ; nous n’avons aucun autre moyen de tant glorifier Dieu, sans comparaison, que de recevoir le Sacerdoce; désirons donc le recevoir, avec la même ardeur de désir que nous désirons la gloire de Dieu, et en vue d’elle seule: en mettant à ce désir de recevoir les saints Ordres une seule condition, une seule limite, celle que nous mettons à notre désir de la gloire de Dieu c’est-à-dire la volonté divine… Si ardemment que nous voulons la manifestation extérieure de la gloire de Dieu, nous ne le voulons que dans la mesure, dans les limites où Dieu Lui-même la veut ; si ardemment que nous voulons recevoir le sacerdoce en vue de glorifier Dieu, nous ne le voulons que dans la mesure, dans les limites où Dieu Lui-même le veut, à condition qu’il le veuille[[M/172, sur Mt 27,47-56, en C. DE FOUCAULD, La bonté de Dieu. Méditations sur les Saints Évangiles (1), Nouvelle Cité, Montrouge 1996, 69-73.]].