Évangile selon Saint Luc 4, 1-13
Jeûne et tentation de Notre-Seigneur au désert.
Que vous êtes bon, mon Dieu, d’avoir souffert pour nous tant de souffrances et tant d’abaissements… Pendant la Sainte Quarantaine, Vous avez souffert pour nous de la faim, de la soif, du froid, de la fatigue, de la faiblesse, Vous avez souffert dans Votre âme à la pensée de la Sainte Vierge privée de Votre présence, souffrant de ne pas Vous voir et de penser que Vous souffrez, Vous avez souffert de toutes les douleurs, de toutes les fautes, de tous les maux des hommes présents et futurs, car tous Vous les aimez… Vous Vous êtes abaissé jusqu’à permettre au démon de Vous tenter, peut-être de Vous toucher!.. Tout cela pour nous, ô mon Dieu, pour Dieu d’abord, sans doute : pour glorifier Dieu par Votre obéissance ; mais ensuite pour nous, car c’est par amour pour nous que Dieu Vous le demande, c’est pour notre bien qu’il Vous le demande. C’est une mer immense, ô mon Dieu, que Votre Quarantaine. .. Ses enseignements sont infinis. Car c’est tout un type de vie que Vous nous y présentez. C’est un des trois types de vie parfaits, divins, également saints, que Vous pratiquez, que Vous nous proposez par Votre exemple : la vie de Nazareth, la vie du désert, la vie publique… Vous nous y apprenez ce que doit être la vie du désert : Une vie de solitude, de contemplation, de pénitence, de pauvreté… Vous nous apprenez, en menant un certain temps cette vie que c’est un genre de vie saint, parfait, divin, que les âmes que Vous y appelez mènent pendant toute leur vie… Et en ne la menant que pendant un certain temps, Vous nous montrez que, si certaines âmes, par suite d’une vocation spéciale, doivent la mener toujours, les autres, doivent, comme Vous, la mener dans une certaine mesure et pendant un certain temps, en faisant à certains moments importants de la vie, avant des actes graves, des retraites où pendant un certain temps elles se recueillent dans la contemplation, la solitude, la pénitence…
Vous nous apprenez ensuite qu’on va au désert pour être tenté, qu’il ne faut donc, ni s’étonner, ni s’effrayer, ni se décourager, si, lorsqu’on quitte tout pour Vous suivre, si, lorsqu’on se retire dans la solitude, on est plus tenté qu’auparavant: c’est la règle, et il n’est pas étonnant que le démon s’attaque d’autant plus à une âme qu’il la voit plus décidée à servir Dieu… D’autre part, et ces tentations et la vue de nos propres imperfections nous apparaissent beaucoup plus clairement dans la clarté de la solitude, de la méditation, de la contemplation, qu’elles ne faisaient quand nos yeux étaient obscurcis par mille pensées terrestres.
Vous nous donnez des moyens, des méthodes pour vaincre les tentations: la foi en la parole divine, la pauvreté d’esprit qui regarde comme de la boue la terre entière et tous ses biens, l’humilité qui ne veut pas tenter Dieu et qui reste à la dernière place, qui ne veut pas faire de grandes choses même quand cela lui serait facile et que cela produirait la conversion du genre humain tout entier, si Dieu ne le lui ordonne pas en lui manifestant clairement Sa volonté à ce sujet… Cette dernière leçon est particulièrement importante ; sans doute il faut faire, comme Jésus le fera plus tard, des œuvres extérieures, mais seulement quand on y est appelé par Dieu, quand «l’heure est venue»… Tant qu’on n’a pas reçu clairement mission de Dieu, la manière de le glorifier n’est pas de tenter de faire par soi-même les œuvres qui nous semblent utiles à Sa gloire, mais de rester, comme Jésus, à Nazareth, comme Jésus, au désert, à la dernière place, jusqu’à ce que la main de Dieu même nous en tire, si cela Lui plaît, et qu’il nous donne nettement mission pour faire telle ou telle œuvre…
Ayons toujours présent aux yeux cet exemple, cet enseignement de Jésus, cet exemple de Son obscurité de Nazareth, et du désert, double période couronnée et résumée par ce mot: «Il n’est pas permis de tenter Dieu »… Or, c’est le tenter que d’entreprendre une œuvre dont l’accomplissement demande des grâces surnaturelles, sans avoir reçu mission de Celui qui seul distribue ces grâces… Imitons Saint Jean, attendant 30 ans au désert la mission d’en haut ; imitons Saint Paul attendant d’abord en Arabie, puis à Tarse, pendant des années, l’heure de recevoir des hommes, représentants de Dieu ici-bas, cette mission de convertir les gentils, qui lui avait été si nettement annoncée par Dieu ; ils ont été parfaits tous deux, parce que, comme l’Esprit Saint le dit de Saint Paul, ils ont été de « fidèles imitateurs de Jésus»… Imitons donc surtout Jésus, qui attendit, Lui, Dieu, pendant plus de 30 ans, la mission de prêcher l’Evangile… Qui que nous soyons, quelques désirs que nous ayons, à quoi que nous nous croyons appelés, restons où nous sommes, nous bornant à faire connaître pleinement l’état de notre âme à un sage directeur, et vivons ainsi, faisant chaque jour le plus parfaitement possible ce que nous avons à faire, ne nous inquiétant, ne nous occupant nullement de l’avenir, ni de faire autre chose que le devoir de notre état dans le moment présent; et pour tout le reste abandonnons-nous à Dieu ; s’il veut rien d’autre de nous, Il nous laissera toujours ainsi et nous resterons toute notre vie dans cet état par Sa volonté; s’il veut quelque chose d’autre de nous, Il nous le fera connaître, Il nous appellera authentiquement, Il nous donnera clairement mission quand le moment sera venu… «Ne tentons pas Dieu»… « Comment prêcheront-ils, s’ils ne sont envoyés ? »… Gardons-nous bien d’agir sans mission… Suivons toujours cette ligne de conduite dont Jésus nous donne ici le précepte et pendant plus de 30 ans, l’exemple
[[M/270, sur Lc 3,23-4,13, en C. DE FOUCAULD, La Bonté de Dieu. Méditations sur les saints Evangiles (1), Nouvelle Cité, Montrouge 1996, 227-230.]].